• Interview de Shonda Rhimes

    Ceux qui ont vu le premier double épisode de la saison 8 savent quelle a été la décision prise par Cristina Yang concernant sa grossesse.

    Dans l’interview qui suit, Shonda Rhimes s’explique sur ce qui l’a motivée à faire prendre cette décision-là à son personnage.

    Jeudi dernier, Cristina Yang, un des personnages principaux de Grey’s Anatomy, a subi un avortement. Le fait est assez rare à la télévision, à une heure de grande écoute (pas que cela n’arrive jamais : Friday Night Light l’a fait récemment). Shonda Rhimes, qui est très engagée dans le mouvement Planned Parenthood, a accepté de parler de l’épisode, du tabou qui entoure l’avortement et de la liberté qu’elle a eue pour traiter cette histoire.

    Qu’un personnage principal subisse un avortement est une chose assez rare à la télévision.

    Vous savez, c’est intéressant parce que c’est vrai. J’ai l’impression que ça n’arrive pas souvent et qu’on n’en parle pas, et ça parait ridicule parce que c’est un choix légal dans notre pays. Mais ce que j’ai essayé de faire, c’est de décrire ce personnage de façon honnête. J’ai vraiment voulu que Cristina Yang reste vraie en regard de qui est Cristina Yang. J’ai le sentiment que c’est un personnage qui n’a vraiment jamais voulu être mère.

    Il est clair pour quiconque regarde la série que ça correspondait vraiment au personnage. Ça aurait été particulièrement bizarre d’aller dans une autre direction.

    Exactement. Pour elle spécialement. Mais vous savez, il y avait un moyen de faire autrement. Nous en avons discuté tout l’été en fait. Il y avait un moyen de faire autrement mais la description de la maternité qui aurait suivi aurait été si pénible à regarder que je crois que personne parmi nous n’aurait voulu la soutenir. Nous ne pouvions pas la soutenir. L’idée que cette femme aurait un enfant dont elle ne voulait pas, qu’elle lui aurait reproché de ruiner sa carrière et qu’elle en aurait voulu à Owen de lui avoir fait garder cet enfant, aurait été abominable.

    Avez-vous soumis cette histoire à quelqu’un ? En avez-vous parlé aux cadres de la chaine ?

    Je n’ai rien demandé à personne.

    Vraiment ?

    Oui. La part de luxe dans mon travail, c’est que je ne dois plus nécessairement demander la permission à quelqu’un. Je n’ai rien demandé à personne. On l’a fait, c’est tout. 

    Et alors, avez-vous reçu des notes à ce sujet ou avez-vous dépassé ce point-là aussi ?

    Je suis sûre que les gens ont leur opinion sur ces sujets. J'ai la chance d'être dans une position où je ne dois pas m’occuper de ces pensées. Je savais déjà ce que nous allions faire et nous l’avons fait. Personne ne m’a rien demandé à ce sujet.

    C’est surprenant, n’est-ce pas ? Ça  me surprend.  

    Vous savez quoi ? C’est intéressant. Je travaille avec beaucoup de femmes. Il y a beaucoup de femmes fortes, intelligentes et tout le monde lit les scripts. Je crois que tout le monde comprend les réalités. Nous savons tous que ces choses ne sont pas nécessairement faites mais je n’ai pas voulu faire un épisode (elle prend une voix grave) "L’épisode avortement de Grey’s Anatomy". Ce n’était pas ça, le problème. Le problème pour moi est le choix pénible que beaucoup de femmes ont fait dans leur vie et que nous avons voulu décrire honnêtement, avec une bonne discussion qui avait commencé dans le final de la dernière saison et qui a continué dans cet épisode. Et voir ce qui arrive après. J’essaie de parler beaucoup de ce sujet. Addison, dans Private Practice, pratique des avortements. Il y a seulement un certain nombre de médecins qui pratiquent les avortements dans le pays et elle est l’une d’entre eux. C’est un personnage qui s’est fait avorter dans le passé et nous parlons beaucoup de ce problème. J’ai eu l’impression que c’était logique. Je ne l’aurais pas fait au hasard. C’était logique pour le personnage de Cristina Yang. La chaine, je crois, reste en retrait. Elle reste en retrait du choix de que j’ai fait pour le personnage.

     

    Avez-vous eu des réactions depuis que l’épisode a été diffusé ? Je sais que vous ne faites pas beaucoup attention aux réactions…

    Je dirais que si j’allais sur le net ou lire des articles, si je lisais tous les tweets au lieu de juste regarder deux ou trois questions pour y répondre, j’aurais probablement vu beaucoup de réactions. Mais il fait assez tranquille autour de ma maison.

     

    Cristina a eu une grossesse ectopique au début de Grey’s. Meredith a fait une fausse-couche. N’avez-vous jamais dans la série des avortements pour des raisons autres que la santé des personnages ?

    Vous savez, dans la première saison de Grey’s, quand Cristina Yang est tombée enceinte, mon intention – n’ayant jamais travaillé pour la télévision avant – était de la faire avorter. Mon intention c’était : Cristina apprend qu’elle est enceinte, elle va avorter. C’était ce qu’on allait préparer. Je savais ce qui allait arriver et j’ai eu quelques conversations très intenses à ce sujet avec le département Broadcast Standard and Practices (ndlr : département qui est responsable des implications morales, éthiques et légales des programmes télévisés). Personne ne m’a dit que je ne pouvais pas le faire ; tout le monde avait seulement des opinions très marquées à ce sujet. Après, je suis allée voir les scénaristes et quelqu’un a lancé l’idée de faire vivre à Cristina une grossesse ectopique, de la faire s’effondrer au bloc et que ce serait de cette façon que Burke apprendrait qu’elle était enceinte. Ça me semblait tellement plus intéressant, dans le sens de l’histoire, que c’est ce que j’ai voulu faire et on l’a fait. Mais je me souviens vraiment que je savais que ça allait être une bataille. J’étais tout à fait disposée à y faire face, peut-être naïvement, mais ça allait être une discussion. Une discussion importante.

     

    Donc ce qui est différent entre maintenant et alors, c’est que maintenant les gens ne se heurtent pas à vous parce que vous êtes plus forte ?

    Oui. De bien des façons. Je crois que c’est une des différences. Je crois que j’ai gagné ma place dans mon travail par rapport à la première saison de ma première série télévisée. Maintenant nous sommes dans la huitième saison de ma troisième série télévisée. Ce n’est donc pas compliqué pour moi de me lever et de dire, "C’est ce que nous allons faire et je n’en discute pas".

     

    Est-ce qu’il s’agit d’un plaidoyer pour l’avortement ?

    Je ne crois pas que ça soit à l’ordre du jour. Ce qui est important pour moi, c’est de faire ce qui est juste pour les personnages. Dans Private Practice, on a eu un personnage Naomi, qui était fermement anti avortement, fermement pro-vie. Brutalement très souvent, d’une façon que je trouvais vraiment belle, presque religieuse et très différente de la façon dont je pense. Je trouvais aussi que son point de vue était valable, qu’il avait des mérites et qu’il devait être décrit de façon forte. J’estime qu’on doit décrire tous les aspects que peuvent avoir les gens, si vous voulez créer un monde. J’ai l’impression que le choix de Cristina de renoncer à un enfant, d’avoir un avortement, est son choix. Meredith ne se serait jamais fait avorter, je ne crois pas - je ne dis pas qu’elle est contre – mais elle ne l’aurait jamais fait parce qu’elle désire tellement avoir un enfant. J’aime que nous décrivions tous les aspects différents. C’est moins un ordre du jour politique que d’essayer de créer un monde complet, avec autant d’opinions que possible. Source


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