• Retour sur le tourage du pilote

    Lynette Rice, une des journalistes d’Entertainment Weekly, a écrit un livre intitulé "How to Save a Life" (à paraitre – en anglais – ce 21 septembre) sur base de sur 80 entretiens inédits avec les acteurs et les membres de l'équipe de production de la série, anciens et actuels, ainsi qu'avec certains des musiciens influents dont la musique a été utilisée dans la série. Le livre couvre les débuts de la série, depuis le premier scénario de Shonda Rhimes jusqu'aux relations amoureuses qui ont divisé les fans, en passant par les départs déchirants et les guest stars mémorables.

    Voilà un extrait exclusif sur le casting et le tournage du pilote.

    SHONDA RHIMES (créatrice): J'ai toujours associé les hôpitaux aux bonnes choses. C'est là que j'ai été soignée. On pense tous que les médecins sont incroyables et magiques, mais ce sont simplement des personnes qui travaillent.

    STEPHEN MCPHERSON (ancien président du groupe ABC Entertainment): Shonda avait fait un pilote sur des femmes correspondantes de guerre que tout le monde a aimé, mais ce n'était pas ce qui nous intéressait. Nous étions vraiment encouragés par l'écriture de Shonda. Nous avons pensé que l'industrie de la télévision avait besoin d'une série médicale.

    PETER HORTON (producteur exécutif): Il a toujours été question de relations amoureuses. C'était avant tout une histoire sur Derek et Meredith et sur le désir. Vous voyez ces deux personnes et comment elles ont envie l’une de l’autre.

    ELLEN POMPEO (Dr. Meredith Grey): Je croyais qu'il s'agissait de cinq internes et de la mère de Meredith.

    PETER HORTON: Derek et Meredith étaient les pierres angulaires de cette série. La scène d'ouverture les montre en train de coucher ensemble lors d'un coup d'un soir. Après, c'est, "Nous ne pouvons pas être ensemble parce que tu es mon patron." Cela devient l'obstacle avec lequel ils doivent négocier et autour duquel ils tournent pendant des années.

    STACY MCKEE (scénariste): Le scénario original était très long, un projet irréalisable en fin de compte. Nous avons fini par en tourner une bonne partie, mais il est évident qu'on ne peut pas avoir un premier épisode de trois heures, donc il faut couper beaucoup de choses et en déplacer certaines. A un moment donné, Preston Burke et Richard Webber ont pu avoir un lien de parenté. Il y a quelques relations qui ont pu changer au fil du temps. Mais le cœur de l'histoire a toujours été là.

    ABC n'a pas cherché bien loin son héroïne. Ellen Pompeo, un ancien mannequin de L'Oréal qui s'est fait connaître dans la comédie Moonlight Mile de Brad Silberling en 2002, parcourait déjà les couloirs d'ABC après avoir joué dans le pilote raté de la chaîne intitulé Secret Service.

    ELLEN POMPEO: La chaîne n'a pas fait cette série. Moi... à la tête des services secrets !

    SHONDA RHIMES: Je n'arrêtais pas de dire : "Il nous faut une fille comme celle de Moonlight Mile !" Finalement, quelqu'un a dit, "Je pense que c’est Ellen Pompeo. On a un contrat avec elle chez ABC."

    ELLEN POMPEO: J'ai dit, "Je déteste les séries médicales ! Elles me font tout le temps penser que je vais mourir." Et ils ont dit, "S'il te plaît, rencontre simplement Shonda." Donc on a déjeuné au Barney Greengrass à Beverly Hills, et après l'avoir rencontrée, je me suis dit, "Je veux faire cette série." Je l'aimais bien. Nous avions le même âge. Ça peut paraître bizarre, mais c'est une femme noire, et je me sens toujours très à l'aise avec les Noirs. J'ai épousé un homme noir ! Et je lui faisais confiance. Elle avait une vision pour la série.

    PETER HORTON: Elle a cette beauté de "toutes les filles". Elle ne ressemble pas à un mannequin, elle n'est pas trop belle, elle est belle tout simplement. C'est exactement ce que Meredith avait besoin d'être.

    ELLEN POMPEO: Venir d'où je viens, sans expérience dans le domaine du divertissement, sans avoir la moindre idée de comment entrer dans le show-business ? Je me suis sentie très privilégiée de pouvoir gagner ma vie de cette façon.

    Katherine Heigl a un peu plus d'expérience que Pompeo, mais pas beaucoup. Également ancien mannequin, elle est apparue dans Piège à grande vitesse avant de jouer le rôle d'Isabel Evans dans la série Roswell de la WB pendant trois saisons. Pour son audition dans Grey's Anatomy, Heigl a essayé d'avoir l'air chic en portant un pull et des lunettes et en se faisant un chignon. Elle a même envisagé de se teindre les cheveux en brun pour "tromper" Rhimes et Horton en leur faisant croire qu'elle pouvait jouer un médecin.

    PETER HORTON: Essayer de trouver un personne aussi belle qui sache vraiment jouer la comédie, c’est vraiment difficile. C'est comme essayer de trouver un homme d'une quarantaine d'années pour jouer le rôle principal dans une série de nos jours, avec toute la concurrence qui existe. Katie est arrivée et a tout simplement réussi. Il y avait quelques autres filles que nous avions envisagées, mais Katie les a tout simplement toutes écrasées.

    STACY MCKEE: Elle portait des lunettes dans le pilote. Je pense que ses cheveux étaient probablement relevés en chignon pour le pilote, aussi. Mais nous avons retiré les lunettes assez rapidement, parce que c'était une sorte de cauchemar avec les reflets, les lunettes sont difficiles à filmer. Vous remarquerez qu'il y a un certain nombre de scènes, même dans le pilote, où elle les porte pendant une fraction de seconde, puis les met sur le dessus de sa tête très rapidement pour qu'elles ne reflètent pas tout l'éclairage.

    Au départ, les patrons d’ABC ne pensaient pas à l'actrice de théâtre Chandra Wilson pour jouer le rôle du Dr Miranda Bailey. Ils avaient plutôt choisi Sandra Oh, une actrice d'origine canadienne qui a joué dans Arliss sur HBO et aux côtés de Diane Lane (et de Kate Walsh, future partenaire de Grey's) dans Sous le soleil de Toscane.

    SANDRA OH (Dr. Cristina Yang): Je portais un pantalon de treillis et j'avais natté mes cheveux. J’ai passé l’audition devant Shonda, Betsy Beers, et Peter Horton. Et c'était génial. Et puis, ils sont revenus et m’ont dit, "On veut que tu passes une audition pour le rôle de Bailey." Et j'étais à un stade dans ma vie personnelle où je voulais demander ce que je voulais, et je ne voulais pas jouer Bailey. J'ai dit, "Quel autre rôle est disponible ?" Et ils ont dit, "Cristina." À l'époque, j'avais envie de jouer un rôle d'antagoniste. Dans le pilote, elle était l'antagoniste et n'était pas non plus en position d'autorité. Bailey avait de l'autorité, elle était leur professeur.

    PETER HORTON: Nous avons dit, "Bien sûr." Elle est partie un petit moment pour étudier les sides, elle est revenue et a passé l’audition pour Cristina. Elle a été brillante. Et à peu près au même moment, on a reçu une cassette de New York, sortie de nulle part, de Chandra Wilson jouant le rôle de Bailey. On s'est dit : "Oh, mon Dieu. C'est Bailey et Cristina, aucun doute là-dessus."

    HARRY WERKSMAN (scénariste): Bailey est traitée de nazi dans le pilote. Si vous rencontrez Chandra, c'est la femme la plus douce, l'antithèse de ce que vous voyez à l'écran. C'est remarquable. Tout ce qui se passait dans Grey's était toujours fait pour se moquer. Il n'y avait aucune mauvaise connotation à la traiter de nazie. C'est simplement pour la qualifier de garde-chiourme. C'est beaucoup plus accrocheur d'appeler quelqu'un "le nazi" que "le garde-chiourme".

    JENNA BANS (scénariste): Shonda a toujours été très consciente du fait qu’elle voulait toucher tout le monde. Mais je me souviens aussi qu'elle ne voulait pas sacrifier une blague, dans le bon sens du terme. Et parfois, pour une comédie, il ne faut pas s'inquiéter d'offenser. Vous allez offenser quelqu'un. Elle savait donc très bien marcher sur la ligne de démarcation entre ne pas vouloir dire quelque chose en quoi elle ne croyait pas en tant que personne, mais aussi être fidèle aux personnages. Et parfois, les gens sont un peu offensifs et disent des choses qu'ils ne devraient pas. Elle nous a en quelque sorte laissé le champ libre pour ce genre de choses.

    CHANDRA WILSON (Dr. Miranda Bailey): Les gens me laissent tranquille parce qu'ils pensent que je suis méchante. Je ne suis pas méchante... Je suis incomprise.

    TONY PHELAN (scénariste): Shonda a réussi à remplir ce pilote de personnes qui avaient une grande expérience de la scène, probablement plus qu'à la télévision. Mais ça veut dire qu'ils étaient des acteurs très bien formés.

    C'était le cas de James Pickens Jr, qui avait suivi une formation au Roundabout Theatre de New York avant de jouer des rôles récurrents dans Larry et son nombril et A la Maison-Blanche. Il a été choisi pour le rôle du Dr Richard Webber. Et T. R. Knight était apparu à Broadway dans Noises Off avant de faire ses débuts à la télévision aux côtés de Nathan Lane dans l’éphémère série télévisée Charlie Lawrence.

    PETER HORTON: T. R. Knight a fait une excellente audition pour George. Il est arrivé et a été vraiment unique, ses rythmes et ses intonations et tout le reste, il ne ressemble à personne d'autre. Nous avons vu tellement de gens jouer ce rôle de façon timide, embarrassée, et en se dépréciant, et il est arrivé avec tout ça, mais avec une sorte de détermination, dans le genre "Mais je vais être aussi bon que n'importe laquelle de ces personnes". T.R. étant T.R., il s'est juste démarqué.

    T.R. KNIGHT (Dr. George O'Malley): Qui étais-je en arrivant ? Linda Lowy (la directrice de casting) s'est vraiment démenée, et j'ai beaucoup apprécié.

    Il y a même eu une discussion pour savoir si George devait être le seul gay de la série.

    HARRY WERKSMAN: Il y avait certainement un désir d'inclure un personnage gay dans la série. Nous l'avons finalement eu [en premier lieu] avec Callie, mais elle était bisexuelle. Je me souviens avoir eu quelques discussions à propos d'un personnage gay, et d'avoir regardé le cast de l'époque. Ça semblait logique que ce soit George. Alex était le macho, et ce n'était clairement pas McDreamy ou Burke. On s'est dit : "Ça pourrait être George." On ne savait pas que T.R. était gay. On en a parlé, mais je crois qu'on s'est dit : "Si ça marche dans une histoire, on le fera."

    La fille de la royauté hollywoodienne Richard Burton a été embauchée pour jouer le rôle central de la mère de Meredith, Ellis, une chirurgienne de renommée mondiale dont la brillante carrière a été interrompue à cause de la maladie d'Alzheimer.

    KATE BURTON (Dr Ellis Grey): J'avais quarante-six ans et je cherchais des choses à faire à la télévision. J'ai reçu un appel de mon manager, qui m'a dit : "Il y a le rôle de la mère de l’héroïne, c’est une chirurgienne, mais elle est maintenant dans une maison de retraite et souffre d'un Alzheimer précoce". Et j'ai pensé, "Tu te moques de moi ?". Ellen [qui avait une trentaine d'années à l'époque] était manifestement trop vieille pour être mon enfant.

    Trouver Burke et McDreamy a demandé un peu plus de travail. Paul Adelstein avait été retenu pour le rôle du Dr Preston Burke, mais l'acteur a dû y renoncer en raison de conflits avec le tournage du film Be Cool. (Adelstein rejoindra plus tard l’univers de Shonda dans le rôle du Dr Cooper Freedman, le pédiatre d'Oceanside Wellness, dans le spin-off de Grey's Anatomy, Private Practice).

    PAUL ADELSTEIN (Dr. Cooper Freedman): Shonda est très forte pour écrire en fonction de ses acteurs, donc je pense que mon Burke aurait été complètement différent.

    ISAIAH WASHINGTON (Dr Preston Burke): Je n'ai pas auditionné pour Burke, j'ai auditionné pour McDreamy. J'avais une barbe et une coupe afro et à l'époque, j'avais envie de jouer un rôle du genre de Ben Carson. Shonda et moi pensions que c'était une excellente idée de représenter un chirurgien du cerveau qui ressemblait au Dr Ben Carson. Ça ne s'est pas passé comme ça. Il y a une rumeur selon laquelle Ellen ne voulait pas que je joue son amoureux parce qu'elle avait un petit ami noir. Le contexte est qu'elle n'est pas attirée par les hommes blancs. Je suppose qu'elle a laissé entendre que son petit ami avait peut-être un problème avec le fait qu'elle fasse des scènes d'amour avec moi, et qu'elle se sentait donc mal à l'aise. Je l'ai soutenue sur ce point.

    PETER HORTON: La chaîne voulait qu'on choisisse Rob Lowe pour le rôle de Derek Shepherd. Ce n'est pas exactement lui qu'on avait en tête pour McDreamy, mais on l’a rencontré. Il avait le choix entre faire notre série ou Dr. Vegas pour CBS. Il a choisi Dr. Vegas. Puis on s'est dit : "Pourquoi pas Patrick Dempsey ?" À ce moment-là, Patrick avait en quelque sorte déjà eu une carrière et personne ne faisait vraiment attention à lui. Au départ, la chaîne a été réticente, mais nous nous sommes sentis à l'aise avec cette idée.

    TONY PHELAN: Rob Lowe ! Ce pilote aurait pu prendre une direction très différente.

    ROB LOWE (acteur): Mon sélectionneur était génial ! La vraie franche raison pour laquelle j’ai refusé le rôle, c'est le discours de Les Moonves [ancien président de CBS Corporation]. La façon dont il m’a présenté son projet a été incroyable, et ça n’a pas été la même chose chez ABC. ABC n'a jamais rien dit. J'ai simplement eu une meilleure rencontre avec CBS. Les scénarios étaient incomparables. L'ambiance autour de Dr. Vegas était géniale. Le scénario de Grey's Anatomy était génial. J'ai privilégié l'ambiance au scénario. Le reste, comme on dit, c'est McDreamy.

    PATRICK DEMPSEY (Dr. Derek Shepherd): J'avais besoin de quelque chose qui me permette de jouer un personnage principal un peu acerbe. Les gens avaient une idée tellement précise de qui j'étais, basée sur ce que j'avais joué des années avant. J'en avais vraiment assez.

    ELLEN POMPEO: J'ai été impliquée dans le processus d'engagement de Patrick. En fin de compte, je n'ai pas mon mot à dire ; la chaîne va faire ce qu'elle veut. Mais ils ont vu l'alchimie entre nous. Il y avait cinq ou six gars dans le processus final, et j'ai passé l’audition avec les cinq. Et puis, je pense qu'ils n'en ont présenté que trois ou quatre à la chaîne. Et puis, ils ont regardé l'audition, et il était évident dès le départ que Patrick et moi avions la meilleure alchimie.

    PATRICK DEMPSEY: Avec Ellen, il y avait de la magie. J'ai simplement joué avec elle. Nous étions présents l'un avec l'autre et nous nous écoutions mutuellement. Ça a toujours été vraiment magique, mais très professionnel.

    SHONDA RHIMES: Pendant le pilote, on l’appelait Dr. McBaisemoi. McDreamy, c’ést la version tout public. C'est vraiment incroyable que ce surnom que nous avons inventé pendant le tournage du pilote, juste parce que Patrick Dempsey est tellement adorable, soit resté.

    Quatre autres acteurs - Josh Bywater, Sean Palmer, Grinnell Morris et Sendhil Ramamurthy - ont été choisis pour incarner des internes de second plan qui auraient pu devenir des personnages à part entière. Mais ils n'ont jamais dépassé le premier épisode. (Ramamurthy a ensuite joué le rôle du généticien Mohinder Suresh dans la série de science-fiction Heroes de NBC). Deux autres acteurs du pilote, en revanche, sont restés longtemps à Seattle.

    JOSH BYWATER (interne n° 1): Je me suis senti très bien dans ma peau parce que je n'étais pas l’interne numéro deux ou l’interne numéro trois. C'était un rôle "moins de cinq", c'est-à-dire un acteur qui a moins de cinq répliques. J'ai dit quelque chose sur le fait qu'Izzie était un super-mannequin. Je me souviens vaguement m'être demandé si ça pouvait devenir quelque chose de plus important. Je pense qu'à l'époque, personne ne savait vraiment ce qui allait se passer.

    SENDHIL RAMAMURTHY (interne n°2): J'étais venu pour passer l’audition pour le rôle de T. R. Knight. Shonda a vraiment aimé ce que je faisais mais elle a dit que, physiquement, je ne ressemblais pas au personnage. Elle m'a dit : "On t'aime, tu veux bien faire l’interne n°2 dans le pilote, comme prix de consolation ?". Cinq répliques ? Je prends. C'était mon premier ou mon deuxième travail à la télévision américaine en prime-time depuis que j'avais quitté l'école de théâtre.

    MOE IRVIN (infirmier Tyler): Je me souviens avoir vu Gabrielle Union dans la salle d'attente quand on m’a rappelé. Je me suis dit que j’avais fait du bon travail. Je n'ai rien entendu pendant environ trois semaines. Puis j'ai reçu un appel qui disait : "On te fait jouer le rôle de Tyler". Apparemment, il y avait une sorte de jonglage entre moi et Steven Bailey. Je pense qu'ils ont envisagé qu'il joue Tyler à un moment donné, mais ils l'ont pris pour Joe et moi pour Tyler. J'ai comparé mon rôle à un bon repas que vous préparez : vous avez besoin d'un peu d'épices pour le relever. C'est ce que Tyler était. Tyler entrait, lançait une réplique par-ci par-là, mettait un peu de piment, et puis je sortais. Je n'essayais pas de lancer un tas de conneries du genre "Regardez-moi".

    STEVEN W. BAILEY (Joe le barman): En fait, j'ai auditionné pour le rôle du gars qui meurt dans le pilote. George lui promet qu'il va s'en sortir et puis, il meurt. J'ai passé l’audition pour ce rôle et ils me l'ont proposé, mais malheureusement, je n'ai pas pu le faire parce que j'avais une série qui n'a pas été acceptée par la Fox. Beaucoup de gens ne le savent pas, mais j'ai joué un rôle différent pendant quelques épisodes de la première saison. Je jouais un anesthésiste, croyez-le ou non, avec quelques petites répliques du genre "La pression baisse" ou "J'administre un médicament", des choses de ce genre. Je pense qu'ils avaient l'intention de développer ce personnage, et puis quelque part, ils ont décidé que ce n’était pas ce qu'ils voulaient faire, et ils sont venus avec Joe à la place.

    Le tournage du pilote a commencé discrètement dans un hôpital abandonné pour vétérans à Northridge, en Californie.

    PETER HORTON: Nous avions besoin d'un hôpital pratique dont la topographie pouvait se substituer à celle de Seattle. Comme je suis de Seattle, j'ai été très exigeant. Lorsque nous sommes entrés dans le hall de Northridge et que nous avons regardé par l'immense fenêtre du hall, j'aurais juré que je regardais Bellevue de l'autre côté du lac Washington ! Le fait qu'il s'agisse d'un hôpital pour vétérans était un bonus supplémentaire, car il était presque vide, ce qui est désolant. Parfait pour tourner.

    STACY MCKEE: Il y avait beaucoup de bâtiments vides. Les bureaux des scénaristes étaient de vraies chambres d'hôpital. Les fenêtres étaient clouées parce que, apparemment, c'était une unité psychiatrique ou quelque chose comme ça. Nous étions presque sûrs que c'était hanté et c'était une sorte de bulle bizarre et étrange qui obligeait tout le monde à créer des liens très rapidement. Tout était là, ce qui a vraiment renforcé le sentiment de camaraderie, non seulement avec les acteurs mais aussi avec l'équipe de production. C'était assez spécial.

    ERIC BUCHMAN (scénariste): ABC a traité la série comme si elle n'était pas prioritaire. Ils avaient deux séries avec des personnages principaux qui s’appelaient Dr. Shepherd. Lost avait aussi un Dr. Shephard ! À aucun moment, quelqu'un n'a reçu une note disant, "Peut-être que vous devriez envisager un nom différent puisque vous serez tous les deux sur la même chaine." J'ai eu l'impression que tout le monde s'en fichait.

    JOSH BYWATER: Ça a été le premier grand plateau de tournage sur lequel j'ai été. T.R. était génial. Nous tournions une scène à la cafétéria et il était censé manger parce qu'il était nerveux. Il n’a pas arrêté de manger. Plus on faisait de prises, plus il disait, "J'ai besoin d'un seau. Qu'est-ce que je m'inflige ?" Et j'ai grandi en regardant Patrick Dempsey dans Can't Buy Me Love ! Il est arrivé et a dit : "Salut, je m’appelle Patrick." J’ai dit, "Je sais qui vous êtes, putain."

    STACY MCKEE: Patrick est arrivé avec une certaine compréhension de ce qui se passait, un peu plus que certaines personnes qui n'avaient pas fait beaucoup de projets auparavant. Il était vraiment très aimable. Je me souviens de la première lecture du scénario. Il y avait un déjeuner avec un traiteur ou quelque chose comme ça. Je me souviens juste d'avoir été assise à une table avec de la nourriture et de l'avoir vu se promener et serrer la main de presque tous ceux qui étaient dans la pièce en se présentant. C'était vraiment sympa.

    PATRICK DEMPSEY: J’étais dans le milieu depuis assez longtemps pour ne pas avoir trop d'espoirs.

    MOE IRVIN: Je me souviens que Jon Voight est venu sur le plateau. Il était le parrain de Skyler Shaye, qui jouait la première patiente dans le pilote. Je me souviens m’être dit : "C'est quoi ce bordel ? Ce truc est réel. Ces gens ne plaisantent pas." J'avais fait un autre pilote, des pubs, des trucs comme ça. Mais rien de ce niveau.

    Une fois que Rhimes et Horton ont trouvé l'hôpital idéal, ils ont veillé à ce que les médecins aient l'air réels mais pas trop sexy.

    MIMI MELGAARD (chef costumière): Au tout début, Shonda voulait que les blouses aient l'air réelles, mais les vraies blouses sont totalement inadaptées. Elles sont énormes. Nous les avons toutes modifiées, mais nous voulions qu'elles aient l'air vraies. Nous ne voulions pas qu'elles aient l'air de se fermer dans le dos, mais nous avons essayé de les rendre aussi flatteuses que possible dans le cadre de la série. Ce qui était vraiment difficile en tant que costumière sur Grey's, c'est que tout devait être discret. L'histoire passait avant tout, et les vêtements ne devaient pas du tout nous en distraire. Si quelqu'un arrive à l'hôpital, c'est émouvant. J'ai travaillé très dur pour que les vêtements ne soient jamais au premier plan. Même en chirurgie, on voit le bas du bonnet et les yeux. Je ne voulais pas que quelque chose vienne détourner l'attention de leurs yeux, même dans ces gros plans très serrés. Je voulais que le personnage et l'histoire ressortent. Je ne veux pas que quelqu'un se dise : "C'est quoi ce manteau ?" Ou, "Ooh, ce sac est cool." On n’a jamais voulu ça, alors nous avons développé ce look Seattle, qui était une palette de couleurs sourdes. De plus, lorsque le spectacle a commencé, mon intention était que les vêtements soient vraiment subtils. Je n'arrêtais pas de penser que la série allait être diffusée par d’autres chaines, alors je voulais que les vêtements soient intemporels.

    NORMAN LEAVITT (directeur du maquillage): Peter Horton voulait que tout le monde ait l'air rude et prêt à tout, pour qu'ils aient l'air réel. Ce sont des médecins qui travaillent, sans maquillage. Je ne pense pas que Shonda ou Betsy Beers aient particulièrement apprécié cela. C'étaient des personnes jeunes et jolies de toute façon, qu'est-ce qu'on peut faire ? Mon but était de ne pas faire des dégâts. Au fil des épisodes, je ne sais pas, la chaîne, Shonda, Betsy, qui que ce soit, voulait un peu plus de glamour. C'est une série télévisée.

    Tout étant enfin en place, le tournage a commencé en 2004.

    PETER HORTON: A l’origine, ma première scène pour le pilote, c’était Ellen allongée nue sur le canapé. La scène d'ouverture du pilote montrait Derek et Meredith qui venaient de coucher ensemble lors d'une aventure d'un soir. On avait un plan très serré et flou, qui passait sur toutes les courbes du corps d’Ellen. Vous ne saviez même pas vraiment ce que c'était pendant que le générique défilait. Le corps d’Ellen devenait net lorsque ses yeux s'ouvraient. C'était une belle description de Grey's Anatomy. Nous n'avons tout simplement pas eu le temps, et en plus, Shonda a eu l'instinct de commencer la série avec plus d'éclat que de grâce. Je le regrette un peu. On aurait vraiment pu garder ce plan.

    EX-CHEF DES STUDIOS ABC: Il y a eu de grands débats sur la grande révélation des ébats de Meredith avec Derek. La plupart des hommes voulaient retirer la scène. Vous mettez votre héroïne dans une situation où elle est trop libertine !

    SHONDA RHIMES: J'ai été convoquée dans une salle avec un groupe de personnes qui m'ont dit : "Vous ne pouvez pas mettre à la télévision une femme qui a eu des relations sexuelles avec un homme la nuit avant de commencer à travailler". Parce qu'ils disaient qu'aucune femme ne faisait ça, et que le genre de femme qui fait ça est vraiment vulgaire. Il y avait tous ces hommes âgés dans la pièce, et je ne savais pas comment répondre. Le moment où j'ai su que Betsy Beers et moi allions être amies pour le reste de notre vie, c’est quand elle a ouvert la bouche pour dire : "J'ai couché avec un homme la veille de mon premier jour de travail." Elle a raconté une histoire vraiment torride, et aucun des hommes n'a pu y échapper. Et personne n'en a jamais reparlé.

    ANCIEN CADRE DES STUDIOS ABC: Nous avons fait ce qu'il fallait et nous les avons écoutées.

    Ça n’a pas été pas le seul désaccord à propos du pilote.

    HARRY WERKSMAN: A un moment donné, Steve McPherson a détesté le titre Grey's Anatomy. Donc pendant une semaine, on nous a appelé Complications.

    ERIC BUCHMAN: Il y avait un livre dont le titre était Complications : Les notes d'un chirurgien sur une science imparfaite. Alors Shonda a dit, "Eric, tu dois lire ce livre en entier juste pour être sûr que cet auteur ne puisse pas nous accuser d'avoir volé son livre." Il a été écrit par Atul Gawande. C'était un bon livre, et il y avait des similitudes parce qu'ils traitent tous les deux de ce que c'est que d'être un jeune médecin travaillant pour la première fois dans un hôpital. Il y avait des choses qui se chevauchaient. J'ai entendu dire qu'ABC avait pris une option sur le livre pour pouvoir utiliser officiellement le titre, mais je ne sais pas qui a décidé de revenir à Grey's Anatomy.

    KATE BURTON: Quand mon manager m'a appelée, il m'a dit, "Ils font une série intitulée Chirurgiens". C'était le titre provisoire.

    ERIC BUCHMAN: Je me souviens aussi de quelqu'un dans la pièce qui a proposé – et c’est peut-être moi, j’espère que ce n’est pas le cas – le titre de Miss Diagnostique. Je suis presque sûr que c'était une blague. Shonda a carrément détesté.

    Et il y avait quelque chose - ou quelqu'un - qui manquait lors des réunions des internes dans la cafétéria.

    ANCIEN EMPLOYE D'ABC: Nous avons eu trois très grands pilotes cette année-là : Grey's Anatomy, Lost, et Desperate Housewives. Grey's Anatomy avait de meilleurs résultats aux tests que Lost ou Desperate Housewives, mais le problème était que la série était très générique, vraiment peu originale. Et la question était de savoir comment faire pour qu'une série médicale s'impose. Steve a également estimé, en regardant les recherches, qu'il manquait quelque chose aux personnages. Il fallait ajouter un autre personnage masculin plus jeune. Il n'allait pas programmer la série avant d'être satisfait par le deuxième épisode.

    TONY PHELAN: Nous avions tourné l’intégralité du pilote sans Justin Chambers. Une des notes après le test du pilote disait : "Vous avez besoin d'un bad boy. Il faut un membre masculin chez les internes qui ne soit pas seulement un connard, mais un homme."

    PETER HORTON: On a donc tourné ses scènes avec lui plus tard.

    TONY PHELAN: Si vous regardez le pilote, vous pouvez voir comment ils ont chirurgicalement mis Justin partout.

    JUSTIN CHAMBERS (Dr. Alex Karev): J'étais vraiment nerveux. J'étais avec tous ces autres acteurs, je ne connaissais personne, en espérant que la série serait un succès. Dieu merci, ça a marché.

    Pourtant, l'ajout d'un nouveau personnage régulier dans la série n'a pas suffi. McPherson a continué à avoir des inquiétudes, ce qui n'a pas amélioré sa réputation.

    STEPHEN MCPHERSON: Je me souviens du jour où Gary David Goldberg a dit que le pire patron avec lequel il avait travaillé, c’était Stephen McPherson sur Spin City. Il y a juste un petit problème : je n'ai jamais travaillé sur Spin City, à aucun titre, d'aucune façon, à aucun moment. Je ne travaillais même pas pour la chaîne sur laquelle la série a été diffusée ! De plus, à ce jour, je n'ai jamais rencontré Gary David Goldberg.

    PETER HORTON: ABC était très inquiet. Il y a eu cette fois où ils ont décidé qu’il n’y avait pas assez de couleurs dans notre série. Une femme est venue me voir pour me dire : "Pensez-vous que cette affiche est assez colorée ?" C'était vraiment absurde. Steve McPherson était un patron très dirigiste, plus que tous ceux avec qui j'ai travaillé. Dans le pilote, il y a une scène dans le vestiaire où tous les internes se réunissent. On l'a tournée avec une caméra portative fixe. Steve nous a appelés après avoir vu les rushes et a dit à Mark Gordon : "Je ne peux pas vendre cette série parce que vous faites des plans qui ne sont pas stables." On avait une réaction excessive à chaque petite chose.

    STEPHEN MCPHERSON: Dans le poste que j'occupais, il faut très vite s'habituer à un pessimisme constant sur chaque chose qu'on fait. Mais c'est la nature du jeu.

    Il a donc arrêté la production après que les producteurs aient fourni le premier épisode. Sa réaction a été tellement inoubliable que douze ans plus tard, la productrice exécutive/showrunner Krista Vernoff a déclaré au Hollywood Reporter : "Il a détesté. À l'époque, il a dit à Suzanne Patmore Gibbs [alors directrice d'ABC] : "Cette série sera le chapitre de mon livre intitulé "Pourquoi je devrais me faire confiance ou pourquoi je devrais faire confiance aux gens que j'embauche". Parce qu'elle a imposé cette série à l'antenne. Et puis, ça a été un grand succès, et on lui en a attribué tout le mérite."

    JAMES D. PARRIOTT (co-Showrunner): Steve était entouré de femmes en qui il avait une grande confiance et qui occupaient des postes de direction, et elles lui ont dit que la série était merveilleuse et que les résultats des tests étaient bons. Nous avons testé quatre épisodes de la première saison et ils ont tous eu de bons résultats. Nous savions donc que nous avions quelque chose.

    PETER HORTON: ABC était convaincu que nous avions tout gâché.

    ANCIEN CADRE D'ABC: Le montage brut était horrible pour le deuxième épisode. Il n'était pas horrible dans le sens où il n'aurait pas fonctionné à la télévision, mais il était très sombre parce qu'ils cherchaient un aspect cynique. Il faut vraiment bien éclairer les personnes à la peau sombre quand on tourne en seize millimètres, sinon on ne les voit pas. Ils n'ont pas très bien filmé une scène en particulier, et on ne pouvait pas voir deux des personnes.

    HARRY WERKSMAN: Steve n'était pas satisfait d'une scène en particulier qui était déjà passée par le processus d'approbation. La scène portait sur l'une des tâches terribles que l'on confie aux internes : annoncer les mauvaises nouvelles aux patients. Alex et Cristina se sont vu confier cette terrible mission, et ils en ont fait un concours pour savoir qui pouvait annoncer la mauvaise nouvelle le plus rapidement. Nous avons fait en sorte que ce soit drôle, ces deux fortes personnalités en compétition l'une avec l'autre.

    JAMES D. PARRIOTT: Une des histoires que nous avons racontées était celle d'une femme qui avait été violée et battue presque au point d'être méconnaissable. Les médecins trouvent le bout du pénis du gars dans l’estomac de la femme. C'était vraiment sombre, mais très Shonda. C'était un épisode vraiment brillant. Et puis, Karev et Cristina ont été chargés de donner les mauvaises nouvelles aux gens. C'était très drôle, mais c'était sombre. En fait, Steve McPherson venait de perdre un ami proche à cause du cancer et était très sensible à ce sujet. Il a vu la scène et a été outré.

    HARRY WERKSMAN: Apparemment Steve a vu l’épisode, l'a détesté, et a dit, "Ce n'est pas la série. Ça ne sera pas diffusé sur ABC." Donc il a arrêté la série.

    JAMES D. PARRIOTT: Nous avons changé pour qu'ils courent partout en annonçant les bonnes nouvelles et nous avons changé le maquillage de la femme battue pour qu'il soit un peu moins dur. C'est tout ce qui s'est passé.

    PETER HORTON: On avait de de grandes réunions et je me disais : "Bon, je vais me faire virer. Les scénaristes vont se faire virer. Ils voient clairement quelque chose de totalement différent de ce que nous voyons." Ils ont eu une grande réunion, où tout ce qu'ils ont dit en gros, c'est : "Vous devez vous assurer que la série soit colorée, heureuse, édifiante et positive." Et puis, ils ont viré mon directeur de la photographie. Ils lui ont mis ça sur le dos, sans raison. Tous les autres ont pris une pause de deux semaines.

    JAMES D. PARRIOTT: C'était un problème plus large. Ce n'était pas seulement, "Oh, mon dieu, c'est trop sombre, virez-le". Nous avions l'impression que McPherson était dédaigneux et bourru. La façon dont j'ai entendu certains cadres le présenter, c'est comme s'ils avaient sauvé Grey's et l'avaient transformé. Nous n'avons changé aucun des scénarios que nous avons tournés avant cet épisode.

    PETER HORTON: Puis on a recommencé et rien n'a vraiment changé.

    STEPHEN MCPHERSON: Shonda et moi avons plaisanté depuis. Je suppose que j'ai été un peu grossier en lui disant ce que je pensais sur cette série extraordinaire. Mais nous avions du travail sérieux à faire. À son crédit, elle l'a compris et a fait ce qu’il fallait, a fait les changements, et c'est parti. Alors dire que la personne qui développe la série et décide de la diffuser... c'est une position un peu étrange que de dire que je détestais la série.

    STACY MCKEE: A ce moment-là, personne ne pensait que ça allait devenir un phénomène à ce moment-là. Nous faisions simplement notre part pour réaliser cette petite chose à laquelle on croyait tous, pour lui donner la meilleure chance de progresser. C'était nouveau pour tout le monde, y compris Shonda. Nous ne faisions qu'espérer et rêver. source


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